Décret 2024-692 du 5-7-2024 : JO 6
L’employeur qui maintient tout ou partie de la rémunération d’un salarié malade par application des dispositions de l’article L 1226-1 du Code du travail peut, en contrepartie de cette obligation, demander à un médecin de contrôler la réalité de cette incapacité de travail, en organisant une contre-visite médicale, dès le premier jour d’absence (Cass. soc. 13-6-2012 n° 11-12.152 FS-D : RJS 8-9/12 n° 705).
A noter :
On relèvera que le maintien de salaire peut également résulter d’une convention ou d’un accord collectif. Dans ce cas, l’employeur ne peut diligenter une contre-visite médicale que si le texte conventionnel prévoit expressément cette possibilité. À défaut, il ne peut pas y recourir.
Par ailleurs, la contre-visite médicale doit être distinguée du contrôle opéré par la caisse de sécurité sociale qui verse les indemnités journalières de maladie.
Les modalités et les conditions de cette contre-visite prévue à l’article L 1226-1 du Code du travail viennent d’être précisées par décret. Celles-ci sont entrées en vigueur le lendemain de la publication de ce texte au Journal officiel, soit le 7 juillet 2024.
A noter :
L’article L 1226-1 du Code du travail, issu de l’ordonnance 2007-329 du 12 mars 2007, renvoie depuis le 1er mai 2008 à un décret le soin de fixer les formes et les conditions de la contre-visite médicale. Ce texte semblait avoir été oublié et la Cour de cassation, pour laquelle l’absence de parution de celui-ci ne faisait pas obstacle à l’exercice de la contre-visite, a pris le soin d’encadrer les modalités de ce contrôle. Le décret du 5 juin 2024 est largement inspiré de sa jurisprudence.
Le salarié doit préciser à l’employeur l’adresse et les horaires de visite pendant son arrêt maladie
La contre-visite est en principe organisée au domicile du salarié. Si toutefois son lieu de repos est différent de son domicile, le salarié doit communiquer cette adresse à l’employeur, dès le début de son arrêt de travail ainsi qu’à l’occasion de tout changement. S’il bénéficie d’un arrêt de travail portant la mention « sortie libre » prévue à l’article R 323-11-1 du CSS, il informe également l’employeur des horaires auxquels la contre-visite peut s’effectuer (C. trav. art. art. R 1226-10 nouveau).
A noter :
Le décret transpose ainsi dans le Code du travail les règles qui avaient déjà été dégagées par la Cour de cassatio n, selon lesquelles le salarié doit indiquer à l'employeur les horaires et l'adresse où la contre-visite peut avoir lieu, notamment s'il bénéficie d'un arrêt de travail « sorties libres » (Cass. soc. 4-2-2009 n° 07-43.430 F-P : RJS 4/09 n° 348) ou si son lieu de repos est hors de sa résidence habituelle (Cass. soc. 13-5-1992 n° 88-44.963 P : RJS 6/92 n° 728 ; Cass. soc. 16-3-2016 n° 14-16.588 F-D : RJS 5/16 n° 337).
La contre-visite peut avoir lieu au sein du cabinet du médecin mandaté par l’employeur
La contre-visite est effectuée par un médecin mandaté par l’employeur qui se prononce sur le caractère justifié de l’arrêt de travail, y compris sa durée (C. trav. art. R 1226-11, al. 1 nouveau).
En outre, elle peut s’effectuer à tout moment de l’arrêt de travail et, au choix du médecin (C. trav. art. R 1226-11, al. 2 à 4 nouveaux) :
soit au domicile du salarié ou au lieu que ce dernier a communiqué ;
soit, et c’est une nouveauté, au cabinet du médecin.
Si la contre-visite a lieu au domicile du salarié ou au lieu qu’il a communiqué, le médecin peut s’y présenter sans qu’aucun délai de prévenance ne soit exigé (C. trav. art. R 1226-11, al. 3 nouveau) :
en dehors des heures de sortie autorisées en application de l’article R 323-11-1 du CSS, le médecin pouvant donc s’y présenter de 9 h 00 à 11 h 00 et de 14 h 00 à 16 h 00 ;
ou, s’il y a lieu en cas d’arrêt de travail portant la mention « sortie libre », aux heures communiquées selon les modalités visées ci-dessus.
A noter :
La Cour de cassation jugeait déjà, avant l’intervention du décret, que l’employeur n’est pas tenu d’informer au préalable le salarié lorsqu’il fait procéder à une contre-visite médicale en application des dispositions du Code du travail (Cass. soc. 4-12-1986 n° 85-43.357 S ; Cass. soc. 19-5-1999 n° 98-44.376 D).
Si la contre-visite a lieu au cabinet du médecin, elle se fait sur convocation de celui-ci par tout moyen conférant date certaine à la convocation. Si le salarié est dans l’impossibilité de se déplacer, notamment en raison de son état de santé, il doit en informer le médecin en précisant les raisons (C. trav. art. R 1226-11, al. 4 nouveau).
A noter :
Avant l’intervention du décret, la Cour de cassation ne s’était pas prononcée, à notre connaissance, sur la possibilité d’une contre-visite médicale réalisée au sein du cabinet du médecin mandaté par l’employeur. En outre, pour sa part, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait jugé que, si l'employeur et le médecin ont toute latitude pour choisir les date et heure de la contre-visite sans avoir à prévenir le salarié par avance, cette dernière ne peut pas avoir lieu pendant les heures de sorties autorisées par la sécurité sociale et doit s'effectuer au domicile du salarié, celui-ci n’étant pas tenu de se déplacer chez le médecin pour subir la contre-visite médicale (CA Aix-en-Provence 20-5-2016 n° 13/20021).
Le salarié doit être informé sans délai par l’employeur du résultat de la contre-visite médicale
Au terme de sa mission, le médecin doit informer l’employeur (C. trav. art. R 1226-12, al. 1 nouveau) :
soit du caractère justifié ou injustifié de l’arrêt de travail ;
soit de l’impossibilité de procéder au contrôle pour un motif imputable au salarié, tenant notamment à son refus de se présenter à la convocation ou à son absence lors de la visite à domicile.
Cette information se fait sans préjudice des obligations incombant au médecin en application du II de l’article L 315-1 du CSS.
Pour rappel, en application de l’article L 315-1, II du CSS, lorsqu’il conclut à l'absence de justification d'un arrêt de travail ou fait état de l'impossibilité de procéder à l'examen de l'assuré, le médecin mandaté par l’employeur doit transmettre son rapport au service du contrôle médical de la caisse dans un délai maximal de 48 h 00. Le rapport précise s’il a pu ou non procéder à un examen médical de l'assuré. Au vu de ce rapport, ce service peut soit demander à la caisse de suspendre les indemnités journalières de sécurité sociale, soit procéder à un nouvel examen de la situation de l’intéressé.
Pour sa part, l’employeur doit transmettre sans délai cette information au salarié (C. trav. art. R 1226-12, al. 1 nouveau).
A noter :
Cette obligation de prévenir sans délai le salarié du résultat de la contre-visite médicale, qui ne figurait pas jusqu’à présent dans le Code du travail, semble logique eu égard aux conséquences que ce contrôle peut avoir pour l’intéressé. En effet, si le salarié est considéré comme responsable de l'impossibilité du contrôle, il perd le bénéfice des indemnités complémentaires de maladie, mais seulement pour la période postérieure à la visite (Cass. soc. 15-10-1987 n° 85-40.555 P ; Cass. soc. 9-6-1993 n° 90-42.701 D). En outre, si le médecin-contrôleur estime que l'arrêt maladie n'est pas ou plus justifié, le salarié doit reprendre le travail. S'il refuse et décide de s'en tenir aux prescriptions de son médecin traitant, il ne commet pas de faute mais est privé du maintien de salaire à compter de la date de la contre-visite (Cass. soc. 10-10-1995 n° 91-45.242 P : RJS 11/95 n° 1111 ; Cass. soc. 28-11-2000 n° 98-41.308 FS-P : RJS 2/01 n° 205). Il peut alors solliciter un nouvel examen et, éventuellement, une expertise judiciaire (Cass. soc. 17-2-1993 n° 88-44.947 D).
Le décret ne précise pas sous quelle forme l’employeur doit adresser cette information au salarié : pour des questions de preuve, on lui conseillera de le faire par lettre recommandée avec accusé de réception, en particulier dans le cas où le médecin a conclu au caractère injustifié de l’arrêt de travail ou n’a pas pu procéder au contrôle. Selon nous, l’employeur a tout intérêt, dans ce courrier, à ne pas se contenter d’informer le salarié sur les constats opérés par le médecin contrôleur, mais à lui indiquer également les conséquences précises découlant de ces constats.
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