Des époux décèdent à quelques années d’intervalle, laissant pour leur succéder leurs trois enfants. L’un d’eux avait bénéficié d’une donation de leur part portant sur la nue-propriété d’un immeuble, sous condition de règlement d’une charge consistant en un versement d’une certaine somme à la date de la donation.
Des difficultés sont survenues au cours des opérations de comptes, liquidation et partage des successions. Le donataire fait notamment valoir que le montant du rapport dû en vertu d’une donation avec charge n’est que de la différence entre la valeur du bien donné et la charge, déterminée au jour où la charge a été exécutée et ensuite réévaluée au jour du partage. Cette réévaluation de la charge, qui aurait diminué d’autant le montant de son rapport, lui est refusée tant en appel que devant la Cour de cassation.
Pour les Hauts Magistrats, il résulte de l’article 860 du Code civil que, lorsqu’une donation est assortie de la charge pour le donataire de régler une certaine somme, par versements périodiques ou en capital, le rapport n’est dû qu’à concurrence de l’émolument net procuré par la libéralité. Ce dernier est calculé en déduisant de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation, le montant de la charge déterminé au jour de son exécution. La cour d’appel a retenu à bon droit, pour déterminer le montant du rapport, que, s'agissant d'une donation avec charge payable au jour de la donation, la valeur de l'émolument net s'établissait par la déduction du montant de la charge grevant la donation, sans réévaluation de celle-ci au jour du partage.
A noter :
Confirmation d’une jurisprudence bien établie (Cass. 1e civ. 17-12-1991 n° 90-12.191, statuant en matière de réduction mais transposable : Bull. civ. I n° 355, RTD civ. 1992 p. 622 obs. J. Patarin, D. 1993 somm. p. 228 obs. B. Vareille ; Cass. 1e civ. 23-3-1994 n° 92-15.191 : Bull. civ. I n° 114 : D. 1995 somm. p. 333 obs. B. Vareille). L’opportunité de la solution peut toutefois être questionnée. Les règles qui déterminent la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible (C. civ. art. 922) comme celles qui gouvernent le montant du rapport (C. civ. art. 860) ont pour objet de reconstituer fidèlement la succession, au jour du décès dans le premier cas, au jour du partage dans le second. Or ce résultat ne sera pas vraiment atteint si la charge stipulée subit seule l’érosion monétaire alors que le bien donné sera, lui, évalué au jour du décès ou du partage (B. Vareille, obs. précitées : D. 1993). Certains auteurs s’étaient d’ailleurs prononcés en faveur d’une réévaluation de la charge à proportion des variations de valeur du bien donné (voir P. Catala, La réforme des liquidations successorales, Defrénois, 3e éd., 1982, n° 44 ; G. Morin, La loi du 3 juillet 1971 sur les rapports à succession, la réduction des libéralités et les partages d'ascendants, Defrénois, 5e éd., 1984, n° 12 ; A. Ponsard, Liquidations successorales : rapport-réduction, partage d'ascendant : commentaire de la loi du 3 juillet 1971, Sirey, 1977, n° 52). Au soutien de la solution contraire, on peut cependant faire valoir qu’aucun texte ne prévoit une telle revalorisation, de sorte qu’il convient d’appliquer le principe du nominalisme monétaire (J. Patarin, obs. précitées : RTD civ. 1992).
Pour pallier cette immobilisation de la valeur de la charge au jour de son exécution, le praticien pourra utilement conseiller une donation-partage unanime, sans réserve d’usufruit sur une somme d’argent, puisqu’elle ne sera jamais rapportable et qu’elle aura pour avantage de figer la valeur des biens donnés au jour de l’acte en vue du calcul de la réserve et de la quotité disponible (en ce sens, B. Vareille, obs. précitées : D. 1993).
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