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Pas d’obligation de notifier l’arrêté de cessibilité au locataire d’un bien exproprié

Si le locataire d’un bien exproprié justifie d’un intérêt pour agir contre l’arrêté de cessibilité et doit former son recours dans les 2 mois de sa publication, cet arrêté n’a pas à lui être notifié.

CE 3-10-2024 n° 491297, Sté Salis


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©Getty Images

Le préfet du Val-de-Marne déclare cessibles par arrêté plusieurs parcelles nécessaires à la réalisation d’une ligne de bus. Une société qui occupe l’une de ces parcelles en vertu d’un bail commercial demande l’annulation de cet arrêté. Le recours est rejeté en première instance et en appel au motif qu’il a été introduit plus de 2 mois après la publication de l’arrêté. Or, la société estime que sa demande n’est pas tardive, l’arrêté de cessibilité ne lui ayant pas été notifié.

Le Conseil d’État n’est pas de cet avis :

  • si le preneur à bail d'un bien immobilier, titulaire de droits personnels à ce titre, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour contester devant le juge administratif la légalité d'un arrêté déclarant cessible une parcelle dont il est locataire ;

  • il n'est pas, à la différence du propriétaire de la parcelle, au nombre des personnes destinataires de cet arrêté auxquelles il doit être notifié.

Par suite, la publication régulière d'un tel arrêté a pour effet de faire courir le délai de recours contentieux à son encontre.

A noter :

1. L’arrêt commenté admet l’intérêt pour agir du locataire contre l’arrêté de cessibilité. Ce point n’était guère douteux car la jurisprudence a déjà admis son intérêt pour agir contre l’acte portant déclaration d’utilité publique (CE 30-11-1966 n° 62485 : Lebon p. 630). De même, le locataire a intérêt pour agir contre la décision par laquelle une collectivité publique préempte le bien qu’il occupe (CE 6-10-1999 n° 185577, Association tendance nationale union islamique en France : Lebon p. 938, RJDA 5/00 n° 529).

Mais quel est le délai pour agir du locataire ? En principe, un recours contentieux contre une décision administrative doit être formé dans les 2 mois de la notification ou de la publication de la décision attaquée (C. just. adm. art. R 421-1). S’agissant d’une décision individuelle, rappelons qu’il convient de distinguer :

  • les destinataires de la décision, c’est-à-dire les personnes qui font l’objet de la mesure en cause. La décision doit leur être notifiée et seule cette formalité peut faire courir à leur encontre le délai de recours légal de 2 mois. En l’absence de notification, ils peuvent saisir le juge à tout moment, sous réserve d’agir dans un délai raisonnable, fixé à un an par la jurisprudence, à compter du moment où ils ont eu connaissance de la décision ;

  • les tiers, pour qui c’est la publication de la décision qui fait courir le délai de 2 mois (le délai raisonnable d’un an trouvant à s’appliquer s’il n’y a pas eu de publication).

Dans l’affaire ici analysée, le Conseil d’État juge que le propriétaire et éventuellement d’autres détenteurs de droits réels sur le bien sont les seuls destinataires de l’arrêté de cessibilité. Le locataire, qui ne détient pas un droit réel sur le bien loué mais un droit personnel sur le bailleur, doit être regardé comme un tiers : la publication de l’arrêté fait donc courir le délai à son encontre.

2. La société a soulevé à l’appui de son pourvoi en cassation une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Elle considérait en effet que les articles du Code de l’expropriation relatifs à la définition de l'expropriation (C. expr. art. L 1), à l'enquête parcellaire (C. expr. art. L 131-1) et à la cessibilité (C. expr. art. L 132-1) portaient atteinte aux principes d'égalité devant la loi, du droit à un recours juridictionnel effectif et du droit de propriété (Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen art. 6, 16 et 17) en ne prévoyant pas « la notification de l'arrêté de cessibilité aux propriétaires, aux titulaires de droits réels et aux autres personnes intéressées par la procédure d'expropriation ni n'imposent au pouvoir réglementaire de le faire ». Le Conseil d’État refuse de transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel : la fixation des modalités de publicité d'un acte administratif tel un arrêté de cessibilité et des règles relatives au délai de recours à l'encontre d'un tel acte revêt un caractère réglementaire et non législatif.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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