Les créanciers d’une entreprise faisant l’objet d’une procédure collective ne sont tenus pour responsables des préjudices subis par elle du fait des concours qu’ils lui ont consentis qu’en cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion de l’entreprise ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci (C. com. art. L 650-1, al. 1).
Un agent immobilier perd la garantie financière que la loi Hoguet du 2 janvier 1970 impose pour l’exercice de sa profession mais il en obtient une nouvelle auprès d’une autre société financière. Après la mise en liquidation judiciaire de l’agent, le liquidateur judiciaire met en cause la responsabilité de cette société sur le fondement de l’article L 650-1. Il soutient qu’elle a accordé la garantie sans contrôle préalable de l’agent, lui donnant une crédibilité malgré une situation financière très obérée et qu'elle lui a ainsi permis de maintenir artificiellement son activité pendant un an.
La cour d’appel de Paris considère que la garantie financière ainsi accordée constitue un concours consenti au sens de l’article L 650-1. Selon elle, les termes génériques de « concours consentis » et de « créancier » utilisés dans cet article conduisent à ne pas limiter son application aux seuls apports de fonds et aux établissements de crédit. La cour rejette toutefois la demande du liquidateur car aucune des trois exceptions prévues par ce texte pour déroger au principe d’irresponsabilité du créancier ayant consenti des concours n’est démontrée contre la société financière.
Cassation de cette décision par la Haute Juridiction : la garantie financière accordée aux personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations mentionnées à l’article 1er de loi Hoguet n’est pas, en l’absence de fourniture d’un crédit, un concours au sens de l’article L 650-1, de sorte que ce texte ne trouve pas à s’appliquer lorsque la responsabilité du garant est recherchée par la personne garantie ou son liquidateur.
A noter : précision inédite.
Certes, la Cour de cassation a jugé que les termes génériques de « concours consentis » et de « créancier » figurant dans l'article L 650-1 du Code de commerce conduisent à ne pas limiter son application aux seuls établissements de crédit ; elle en a déduit que ce texte était applicable au cocontractant ayant accordé des délais de paiement au débiteur, ces délais constituant des concours (Cass. com. 16-10-2012 n° 11-22.993 F-PB : RJDA 2/13 n° 143).
Mais elle exclut par ce nouvel arrêt une lecture trop extensive de la loi : la notion de concours sous-tend celle de crédit. La garantie financière prévue par la loi Hoguet du 2 janvier 1970 ne répond pas à cette qualification : elle est destinée à permettre le remboursement des fonds, effets ou valeurs déposés par les clients entre les mains de certains professionnels de l’immobilier (tels ceux qui exercent une activité de transaction immobilière, de gestion immobilière ou de syndic de copropropriété ; Loi Hoguet art. 1 et 3). En revanche, si la société garante accordait en outre un crédit au professionnel, l’article L 650-1 aurait vocation à s’appliquer mais seulement pour le préjudice causé par ce crédit.
La responsabilité de la société pour l’octroi fautif de la garantie financière peut être mise en cause sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile contractuelle (à l’égard du bénéficiaire de la garantie) ou extracontractuelle (à l’égard des créanciers de ce dernier). Il n’est alors pas nécessaire de prouver que la société a commis une fraude, une immixtion ou demandé des garanties disproportionnées.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 63421