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Une semaine de jurisprudence sociale à la Cour de cassation

Nous avons sélectionné pour vous les arrêts les plus marquants rendus la semaine dernière par la Cour de cassation.


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©Getty Images

Exécution du contrat

  • Si une sanction disciplinaire ne peut pas intervenir plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable, ce délai peut être dépassé lorsque l'employeur est conduit en vertu des règles statutaires ou conventionnelles à recueillir l'avis d'un organisme de discipline dès lors qu'avant l'expiration du délai, le salarié a été informé de la décision de saisir cet organisme. Il en résulte qu'après avis du conseil de discipline ou renonciation du salarié au bénéfice de la garantie instituée à son profit, l'employeur dispose d'un nouveau délai d'un mois pour sanctionner le salarié (Cass. soc. 2-5-2024 n° 22-18.450 F-B).

  • Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. La cour d’appel ne peut donc pas débouter la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral dès lors qu’elle procède à une appréciation séparée des éléments de preuve, et qu'elle n’examine pas l’ensemble des faits invoqués au titre du harcèlement moral, à savoir l'inertie de l'employeur qui a ignoré le malaise de l'intéressée, son choc psychologique et ses pleurs survenus pendant un entretien, la résistance de l'employeur qui n'a répondu ni à ses courriers ni à ceux de son avocat et le traitement de faveur accordé à sa supérieure hiérarchique, qui pour des faits similaires n'a été que rétrogradée et non licenciée (Cass. soc. 2-5-2024 n° 22-18.450 F-B) :

  • Les faits de harcèlement sexuel reprochés au président de l'association par une salariée, même commis en dehors du travail, ne sont pas détachables de la vie professionnelle. L'association n'ayant pas diligenté une mesure d'enquête à la suite de leur dénonciation par l'intéressée, la cour d'appel a pu en déduire la violation de son obligation de prévention du harcèlement sexuel, peu important que la salariée ait été en arrêt de travail lors de cette dénonciation et que les faits aient donné lieu à une enquête préliminaire suivie d'un rappel à la loi (Cass. soc. 2-5-2024 n° 21-14.828 F-D).

  • L'employeur ne manque pas à son obligation de sécurité dès lors que, alerté par le courrier de l'avocat de la salariée d'un possible harcèlement moral, il diligente une enquête une semaine plus tard, confiée à une commission composée de représentants du personnel et d'un représentant de la direction, que cette commission entend 25 personnes et conclut 3 mois plus tard à l'absence de harcèlement moral de la part de la supérieure hiérarchique de la salariée (Cass. soc. 2-5-2024 n° 22-18.459 F-D).

Paie

  • Le débiteur doit être informé avant l’audience de conciliation de l’objet de la demande et de l’état des sommes réclamées, le créancier ne pouvant pas substituer un autre titre exécutoire à celui qu’il a joint à sa requête. Dès lors, la cour d’appel ne peut pas, afin d’autoriser la saisie des rémunérations pour une certaine somme, considérer que, compte tenu de l’évolution du litige, le fait pour le créancier de modifier son décompte pour tenir compte de la nouvelle décision des juges constitue une actualisation de sa créance, recevable et dans l’intérêt de la débitrice, sans la nécessité d’une nouvelle requête (Cass. 2e civ. 2-5-2024 n° 21-22.541 FS-B).

  • A statué par des motifs impropres à caractériser la remise au salarié des tickets restaurant la cour d'appel retenant que l'employeur produit un bulletin de paie comportant une régularisation au titre desdits tickets, ce que le salarié ne discute pas dans ses conclusions, alors que l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut pas valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus (Cass. soc. 2-5-2024 n° 22-12.415 F-D).

Rupture du contrat

  • L'employeur qui entend engager une procédure de licenciement pour faute grave n'étant pas tenu de prononcer une mise à pied conservatoire, le maintien du salarié dans l'entreprise pendant le temps nécessaire à l'accomplissement de la procédure n'est pas exclusif du droit pour l'employeur d'invoquer l'existence d'une faute grave (Cass. soc. 2-5-2024 n° 23-13.869 F-D).

  • Dès lors que la convention collective applicable prévoit la possibilité pour le salarié de saisir la commission paritaire de recours de branche pour avis dans un délai de 5 jours à compter de la notification de son licenciement, il en résulte que la rupture ne peut être effective qu'après avis de la commission saisie. Une cour d'appel ne peut donc pas décider que le licenciement pour faute grave est légitime alors que la société l'a considéré comme effectif en annonçant le remplacement du salarié avant que l'avis de la commission ne soit communiqué (Cass. soc. 2-5-2024 n° 22-12.415 F-D).

  • Le salarié dont le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite contre son employeur est annulé comme portant atteinte à la liberté fondamentale d'agir en justice, qui demande sa réintégration, doit être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent comportant le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière que l'emploi précédemment occupé. L'indemnité d'éviction qui lui est due est égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans déduction des revenus perçus durant cette période. Elle doit être calculée sur la base du salaire qu'il aurait perçu s'il avait continué à travailler, pendant la période s'étant écoulée entre son licenciement et sa réintégration, au poste qu'il occupait au moment de la rupture du contrat de travail (Cass. soc. 2-5-2024 n° 22-15.316 F-D).

  • Il appartient à l'employeur, même quand un plan de sauvegarde de l'emploi a été établi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement prévues ou non dans ce plan et de faire des offres précises, concrètes et personnalisées à chacun des salariés dont le licenciement est envisagé, de chacun des emplois disponibles, correspondant à leur qualification, sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée des intéressés de les refuser (Cass. soc. 2-5-2024 n° 22-19.607 F-D).

  • La salariée s'étant portée volontaire au départ dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ne peut pas prétendre aux indemnités spécifiques de rupture dès lors que son poste n'appartient pas à une catégorie visée par une suppression ou une modification de poste, et qu'elle ne respecte donc pas la condition fixée par le plan selon laquelle un départ non contraint doit « permettre à un salarié concerné par une suppression ou une modification de poste dans son entité de se repositionner au poste du salarié volontaire » (Cass. soc. 2-5-2024 n° 22-13.964 F-D).

  • La clause d'un prêt consenti par un employeur, selon laquelle le remboursement de ce prêt sera anticipé en cas de départ du salarié de l'entreprise, ne constitue pas une condition purement potestative de celui qui s'oblige au remboursement du prêt dès lors que l'anticipation de ce remboursement relève tant de l'initiative de l'employeur en cas de licenciement que de celle du salarié en cas de démission. Dès lors que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse, l'employeur peut donc se prévaloir de la clause du contrat de prêt qui contient une clause de déchéance du terme prévoyant le remboursement du prêt en cas de départ du salarié de l'une des sociétés du groupe pour quelque cause que ce soit (Cass. soc. 2-5-2024 n° 22-17.878 F-D).

Représentation du personnel

  • Dès lors qu'à la suite de la perte d'un marché, une entité autonome conservant la qualité d'établissement distinct au sens des élus du personnel a été transférée au nouvel employeur, mais que le salarié protégé a refusé le transfert de son contrat de travail, bien que celui-ci ait été autorisé par l'inspecteur du travail, il en résulte que son mandat d'élu du personnel a pris fin à la date du transfert. La protection supplémentaire de 6 mois en qualité d'ancien représentant du personnel étant expirée au moment de l'engagement de la procédure de licenciement, l'intéressé n'avait donc pas le statut de salarié protégé (Cass. soc. 2-5-2024 n° 22-17.377 F-D).

  • Le comité social et économique d'établissement ne peut faire appel à un expert que lorsqu'il établit l'existence de mesures d'adaptation spécifiques à l'établissement (Cass. soc. 2-5-2024 n° 22-17.929 F-D).

Contrôle - contentieux

  • Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, et le juge est tenu d'examiner au regard de chacune de ces exceptions si la demande est nouvelle. La cour d’appel ne peut donc pas déclarer irrecevables les demandes du salarié au motif qu’elles ne constituent pas l’accessoire, la conséquence, ou le complément nécessaire de celles formées en première instance, sans rechercher, même d’office, si ces demandes ne tendent pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge (Cass. soc. 2-5-2024 n° 22-18.450 F-B).

  • Le juge des référés peut ordonner la désignation d'un huissier de justice (désormais commissaire de justice) afin de constater des actes de concurrence d'anciens salariés dès lors que cette mesure d'instruction est circonscrite dans le temps et dans son objet et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il incombe au juge de vérifier si la mesure ordonnée est nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence. Ne porte pas une atteinte disproportionnée à la vie privée ou au secret des affaires l'autorisation donnée à un huissier d'effectuer des recherches à partir d'un nombre limité de mots-clés correspondant à des intérimaires de la société de travail temporaire et à des clients majeurs de l'agence dont la directrice était suspectée d'actes de concurrence, et alors que la mission de l'huissier était limitée géorgraphiquement au seul domicile de l'intéressée sur une période limitée (Cass. 2e civ. 2-5-2024 n° 22-16.469 F-D).

  • Dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. Il appartient au juge de vérifier si le procès-verbal de constat d'huissier de justice (devenu commissaire de justice) relatif à des enregistrements de conversations téléphoniques entre le salarié et sa hiérarchie, opérés à l'insu de cette dernière, est indispensable à l'exercice du droit à la preuve du salarié qui se plaint de harcèlement moral et si l'atteinte au respect de la vie personnelle de l'employeur est strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. soc. 2-5-2024 n° 22-16.603 F-D).

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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